Si bien qu’au fil du temps, ses amis et lui avaient instauré un petit jeu : repérer une fille, la séduire, sortir avec elle et la jeter après en lui disant qu’ils en aimaient une autre. Ce n’était qu’un jeu, et honnêtement, aucun d’eux ne réfléchissait au mal qu’il pouvait bien faire. Ce n’était, selon leur point de vue, pas bien méchant. Melvin était devenu l’un des meilleurs à ce jeu. Puis un jour, la règle changea un peu, plus vicieuse, plus méchante. « Eh regarde Mel, la belle blonde là-bas ! Ca te dit de jouer un peu ? Cette fois, on corse un peu, faut que t’ais couché avec elle d’ici deux mois ! » Il admira la jeune fille, en effet, elle était absolument ravissante, et certainement encore au lycée vu son allure. Il hésita un peu, puis se retourna vers son ami en souriant, signe qu’il acceptait le pari, avant d’aller approcher la fille en question. Il ne lui fallut pas bien longtemps pour la séduire, il avait l’habitude à vrai dire. Et pourtant elle n’était pas comme les autres, elle avait quelque chose en plus, qui étrangement, commençait à faire battre le cœur du jeune homme. Il tombait lentement dans son propre piège, gardant pourtant toujours ce pari en tête.

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Elle avait dix-sept ans, il en avait vingt-et-un. Elle était au lycée, et lui en études supérieures. A leurs âges, quatre ans de différence représentaient un sacré fossé, et pourtant, ils ne pouvaient pas mieux s’entendre. Elle était différence de toutes ces autres filles, elle était plus mature, plus gentille, réellement gentille, même si elle possédait un fort caractère. Elle plaisait énormément à Melvin, et par-delà le jeu, il tomba amoureux d’elle, tout simplement, assez rapidement à vrai dire. Bien vite le pari n’avait plus d’importance, il n’avait pas envie de gagner, il ne voulait pas la perdre, et surtout pas que cette histoire s’ébruite. Il savait déjà qu’elle le quitterait si elle le savait. Il avait été pris à son propre piège. Ainsi, après seulement un mois de relation, elle voulut sauter le pas avec lui, chez elle, alors qu’il était venu rencontrer ses parents. Ils étaient seuls pour quelques heures avant que ceux-ci n’arrive. « Tu es sûre ? Je veux dire… On peut attendre. » La vérité c’était qu’il ne voulait pas gagner ce pari, il voulait perdre et prouver que ce n’était pas ce qui comptait à ses yeux. Ainsi, rien ne lui retomberait dessus. Mais elle insistait. « Je suis sûre, oui, j’ai pas envie d’attendre. » Il aurait tout aussi pu bien refuser, ou accepter mais ne rien dire, mais ce ne fut pas ce qu’il fit. Deux jours plus tard, il alla retrouver l’ami qui lui avait lancé ce défi pour lui dire qu’il l’avait gagné, pensant qu’après ça, ils n’en parleraient plus, un peu bêtement. « Alors, t’es en profité au moins ? Tu vas lui dire quoi cette fois ? Que t’as quelqu’un d’autre ? » C’était stupide, et il ne s’en rendait compte que maintenant. Il avait beau être le bon fils à papa pour le travail et les études, humainement, c’était un imbécile. « Je ne vais rien lui dire, rien du tout, et ne dis rien toi non plus, okay ? Je ne joue plus. » Son ami avait du mal à comprendre ce changement de comportement soudain, mais il acquiesça, promettant simplement de ne rien dire, d’oublier cette histoire de pari une bonne fois pour toute. Melvin n’était pas fier de lui. Quelques semaines plus tard, il pensait que cette histoire était définitivement derrière lui, qu’il pouvait garder ça pour lui et qu’elle n’en saurait jamais rien, après tout, ce n’était pas vraiment un mensonge, ça ne changeait rien à leur histoire, non ? Il pensait avoir la paix, mais il découvrit que les secrets ne restaient jamais bien longtemps secrets. Il l’avait emmené déjeuner dans un restaurant tranquille, profitant de ses moyens pour lui faire plaisir, tout se passait bien, jusqu’à ce qu’un de ses amis arrive vers lui pour le saluer. « Tu les emmènes au restau maintenant ? C’était quoi le pari cette fois ? » Evidemment, il n’avait pas parlé à voix basse, et tout le monde, y compris elle, pouvait entendre ce qu’il racontait. Pour lui ça n’avait pas d’importance, ce n’était qu’un jeu. Mais Melvin sentit son cœur s’arrêter en entendant ses mots. Il regarda aussitôt sa petite-amie, qui grimaça, mécontente. Son ami partit, comprenant rapidement qu’il aurait mieux fait de se taire, les laissant seuls tous les deux. « Je peux t’expliquer, c’est pas vraiment ce que tu crois ! » Elle commençait déjà à préparer ses affaires. « Tu t’es bien foutu de moi, hein ? Tu t’es bien amusé au moins ?! Ce que j’ai été conne d’y croire ! » Elle le laissa en plan, et il ne savait plus quoi faire. Il laissa rapidement quelques billets sur la table et courut après elle pour la rattraper, au moment où il toucha son poignet, sa main s’abattit sur la joue du jeune homme, désormais rouge vif. Elle pleurait. « T’approche pas ! J’étais un pari moi aussi ! Tout ce temps tu t’es foutu de moi ! C’était quoi le pari hein ?! J’ai même pas envie de savoir, ça me dégoûte ! » Il avait tout gagné, tout lui retombait dessus, il ne pouvait rien faire. « C’est parti d’un pari, mais j’ai très vite arrêté de jouer ! Ecoute-moi ! On s’en fout non ? On s’en fout de comment ça a commencé, pas vrai ? L’important c’est qu’aujourd’hui, on en est là, on est ensemble, et je t’aime ! Pari ou pas, on s’en fout ! » Evidemment qu’elle ne s’en fichait pas. « Pour moi c’est important ! Je ne veux plus te voir ! Ne t'approche pas de moi ! Laisse-moi tranquille maintenant ! » Elle libéra son poignet et partit comme ça, sans plus se retourner. Cette douleur, c’était la même que quand sa mère était morte. Il venait de perdre la personne la plus importante dans sa vie. Et à partir de là, tout changea.

Sa vie professionnelle était au top, même s’il n’aimait pas vraiment ça, et sa vie sentimentale était une catastrophe. Il était officiellement devenu un homme d’affaires. Le jour de ses trente ans, son père ne lui offrit pas de cadeau, à la place, il lui présenta un homme, un ami de longue date qu’il n’avait pourtant jamais rencontré auparavant. « C’est le grand patron d’une des plus grandes sociétés du pays, un associé de choix. Sa fille est magnifique. Vous formeriez un couple parfait, et cette union serait essentielle pour nos affaires. Ca nous aiderait à remonter la pente. » Melvin crut rêver en entendant ces mots. « Quoi ? Tu me proposes un mariage là ? Je ne la connais même pas ! » Son père ainsi que son ami se mirent à rire. « Quelle importance, tu apprendras ! Elle est adorable, tu verras ! Ca me rendrait fier. » Cette ordure savait trouver les mots pour persuader son fils. Il avait compris avec le temps, et se servait bien trop souvent de ce pouvoir qu’il avait sur lui pour l’amadouer. Au final, Melvin accepta de rencontrer cette fille, à contrecœur.

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Le jour de la rencontre arriva, son père lui répétait de bien se tenir, de bien s’habiller, d’avoir l’air parfait quoi qu’il arrive, de faire bonne impression pour que tout se passe bien. Il n’avait aucune envie de se marier avec quelqu’un qu’il ne connaissait pas. Il fit quand même des efforts, pour son père, comme à son habitude, sans jamais dire que ce n’était pas ce qu’il souhaitait. Peut-être qu’à son mariage, il entendrait son père lui dire qu’il était fier. Il l’espérait encore, un peu naïf de penser qu’il les entendrait un jour, ces mots. Habillé en costume cravate pour l’occasion, un chauffeur passa les prendre, lui et son père, pour les emmener au lieu de rendez-vous. Lors du trajet, Melvin tentait de s’imaginer de quoi avait l’air cette fille, et de se demander s’il faisait vraiment le bon choix. Plus ils s’approchaient du restaurant, plus il angoissait. Il n’avait pas tellement le choix, après tout, non ? Il passerait sa vie dans l’ombre de son père, à écouter chacun de ses mots avec attention, à obéir à chacun de ses ordres, comme un éternel fils à papa. Il était trop lâche pour oser résister. Ils arrivèrent finalement, et attendirent à la table qui leur était réservée. « Arrête un peu avec cette serviette, tu as l’air d’un idiot. » Il tordait sa serviette dans tous les sens tant il était stressé. Il la posa aussitôt après la remarque de son père, et son ami entra dans le restaurant. Melvin n’osait même pas regarder la fille qui était à ses côtés. Lorsqu’ils arrivèrent à la table, il fut bien obligé de se lever, et relever la tête par la même occasion. Lorsqu’il découvrit son visage, il crut rêver. C’était elle, cette fille qu’il avait aimé, la fille du pari. « C’est une blague ? » Elle le toisait d’un air dégoûté. Apparemment, vu sa tête, elle avait la rancune tenace. Il ne savait plus où se mettre. « C’est hors de question. » Elle fit aussitôt demi-tour et quitta le restaurant sans que les deux plus vieux ne comprennent de quoi il en retournait. « Euh… Disons qu’on s’est connus, il y a longtemps. Je reviens. » Il ne pouvait pas s’empêcher de lui courir après, comme un automatisme. Il eut peine à la retrouver cette fois, elle était partie si vite. Lorsqu’il la vit, il s’accrocha à son poignet comme il l’avait fait des années auparavant. « Attends ! Tu crois pas qu’on devrait oublier toute cette histoire, et tout recommencer ? » La main de la jeune femme s’abattit sur sa joue, comme autrefois, à croire que rien ne changeait, à part eux. Elle était plus mûre, plus adulte, plus féminine, et bizarrement, le cœur de Melvin battait comme il avait l’habitude de battre lorsqu’il était avec elle, adolescent. « Je ne veux plus te voir ! C’est assez clair ?! Et certainement pas t’épouser ! Jamais de la vie ! » Elle ne lui avait pas pardonné, elle n’avait pas oublié, et elle le détestait, définitivement. « Tu crois qu’on a le choix toi ?! Je ne peux pas me permettre de tout lâcher, la société de mon père est en train de couler doucement, et sa société, c’est toute sa vie ! Et c’est la mienne aussi. Je suis prêt à tout pour qu’elle remonte la pente, même si ça veut dire me marier sans l’avoir choisi ! Et je suis prêt à parier que c’est la même chose pour toi, sinon tu ne serais pas là ! » Il vit dans son regard qu’il n’avait pas tort. Elle était là, elle avait accepté de le rencontrer, pourquoi, si ça n’était pas pour sauver la société de son père à elle aussi ? Ils étaient dans la même situation tous les deux. « Pourquoi ça tombe sur toi ? C’est grand New-York ! Fallait que ça soit toi, sérieusement ! J’ai pas envie de passer le reste de ma vie avec un type pareil ! » Voilà, la blessure revenait, plus profonde cette fois, comme si elle enfonçait un couteau dans une plaie déjà ouverte. « C’est pas si grand que ça, New-York. » Il ne trouvait que ça à répondre. Il aurait voulu la revoir d’une autre manière, dans d’autres circonstances, mais ça ne changeait rien au fait que maintenant, elle était de retour dans sa vie, et ça, il en était reconnaissant à son père, pour une fois. Ils retournèrent tous les deux au restaurant, et elle avait beau le détester, elle accepta néanmoins de se fiancer à lui. Elle avait désormais la bague au doigt, elle lui appartenait, et bientôt, ce serait pour le meilleur et pour le pire. A présent, depuis quelques semaines à peine, elle avait emménagé chez Melvin, qui dormait sur le canapé, une situation qui ne lui convenait pas, mais il était prêt à tout accepter. Peut-être qu’après tout, elle finirait par l’apprécier, peut-être même l’aimer ? Il ne voulait pas d’un mariage sans sentiment.