l'église. louise n'y va pas souvent. voir jamais. quand elle y met les pieds, c'est plus par hasard. ou pour visiter. observer les vitraux, regarder la messe. jamais pour prier ou allumer un cierge. elle a toujours cru qu'elle, plus qu'un autre, n'y avait pas le droit. de quoi peut-elle manquer après tout? du bout des doigts, elle peut avoir le monde entier. alors c'est vrai, plus que vrai, que peut-elle demander?
l'argent, elle en a. en masse. et ça la rend malade, d'en avoir autant, d'avoir cette image qui lui colle à la peau, ce masque collé qu'elle ne peut plus arracher. soirée mondaine sur fête annuelle, c'est chiant et pourtant. c'est son présent, c'est son passé. elle n'a connu que ça. l'amour, elle en a eu. puis c'est parti. ça s'est envolé et ça a fait très mal. depuis elle tangue, elle vacille, elle manque de tomber à chaque pas.  il est parti et c'est comme ça. elle doit vivre avec, elle n'a pas le choix. leur couple s'est essoufflé. il paraît que ça arrive, que c'est normal, que ce n'est pas grave. elle n'a rien dit, quand elle a dit au revoir. elle n'a rien dit à sa famille, à sa belle-famille, à son ex-petit-ami. elle n'a pas jeté un regard aux non-dits, elle n'a pas écouté les murmures dans leur entourage. il paraît qu'ils étaient trop jeunes. elle est juste partie. envolée l'hirondelle. le cœur lourd et des rêves pleins la tête. le corps anesthésié par ce sur-plus de liberté.
avant, louise fumait pas. puis y'a eu noah. les attentes de la famille. l'essoufflement. l'éloignement. les non-dits. tout a tué leur embryon d'amour. alors lou a commencé à fumer. pour se brûler les poumons. pour oublier. pour passer le temps. depuis, elle n'est pas spécialement dépendante mais elle aime pas, oh non elle déteste ça, être un peu en manque. elle était aussi en manque de lui, puis il est parti. on doit se quitter. elle lui a jeté ça entre le plat et le dessert. elle l'a haït. elle n'a rien dit et s'en est allée. elle a pleuré, un peu, peut-être.  voilà, c'est pour ça. c'est pour ça qu'elle doit aller à l'église. pour s'excuser d'avoir fumé quand tout allait mal. pour avoir brûlé ses poumons quand quelqu'un d'autre pompait leur amour. et c'est aussi pour ça qu'elle entre dans l'église d'un pas hésitant.
puis y'a un regard. y'a une fille. juste devant. qui détourne les yeux. un miroir. elle-même, ailleurs. pas les mêmes vêtements, pas la même coiffure, pas le même rictus mais bon dieu, les mêmes yeux, le même lieu, le même corps et sans doute les mêmes envies.
une jolie fille, portrait craché, portrait caché. elle manque de s'étouffer. je... vous... c'est pas normal hein? sa voix se répercute contre les murs de l'église.