every now and than i get a little bit tired of listening to the sound of my tears. every now and than i get a little bit nervous that the best of all the years have gone by.

Il est précisément dix-neuf heures. Les invités se pressent dans l'entrée du manoir Waters. Rien ne trompe dans l'attitude d'Agata, ni les sourires polis, ni les courbettes qu'elle adresse à tous ces gens dont elle connaît à peine le nom. Agata c'est la fille des Waters, cette jolie brune au sourire crispé qui est si aimable. C'est ce que l'on vous dira d'elle. A côté de ses parents elle a l'impression de n'être qu'une imposture, quelqu'un que l'on pourrait aisément remplacer tant son attitude est empreinte de fausseté. Pourtant personne ne le remarque, personne ne remarque que son aisance n'est pas la même, qu'elle donnerait tout pour être ailleurs. N'importe où, mais pas ici. Et pendant quelques minutes elle ose s'imaginer ce que sa vie aurait été si elle n'avait pas été la fille de la famille Waters, cette famille de politiciens depuis des générations.
Elle aurait aimé être quelqu'un d'autre. Combien de fois s'est-elle imaginée loin de sa famille, loin des idéaux véhiculés par le monde de la politique auquel elle appartient malgré elle. Comment aurait été sa vie loin du diktat social qu'on lui a imposé. Elle ne le sait pas. Parfois elle rêve. Elle rêve d'une famille attentionnée, qui s'émerveille devant tout ce qu'elle est capable de faire. Une famille qui ne la bride pas, qui ne cherche pas à faire d'elle ce qu'ils veulent. Elle aurait aimé devenir quelqu'un d'autre. Une personne qu'elle aurait eu envie d'être. Aujourd'hui elle fait semblant, se cache derrière ses bonnes manières pour plaire à un monde auquel elle n'a pas envie d'appartenir. Elle se cache c'est bien plus facile que de laisser le monde entendre ce qu'elle a à dire, toutes ses émotions enfouies qu'elle cache depuis qu'elle est enfant.
Son destin il était tout tracé, elle serait politicienne ou avocate. Et dans le souci de plaire, petite fille obéissante qu'elle a toujours été, elle a tout écouté, tout accepté sans broncher. Qu'aurait-elle aimé devenir ? Elle-même n'en sait rien. Elle n'a jamais eu le temps d'y réfléchir, elle n'a jamais pris le temps de savoir qui elle était vraiment Agata. Ses loisirs, ses passions tout lui a été dicté, si bien qu'aujourd'hui elle serait bien incapable de citer trois choses qu'elle aime. Trois choses qui lui donneraient envie de tout plaquer, de n'écouter que sa raison et ses envies.
Toute sa vie elle s'est pliée au bon vouloir des autres, petite chose fragile malléable à l'infini. Le regrette-t-elle ? Oui. Pas un jour ne passe sans qu'elle ne se cherche, sans que sa raison la quitte pour que son cœur prenne le dessus. Mais la raison est toujours la plus forte, l'emportant sur des rêves qu'elle croit bien trop frivoles et bien trop insouciants.
Elle est seule Agata, sourire impeccable plaquée sur les lèvres pour que ses semblables pensent qu'elle est comme eux. Pourtant elle ne l'est pas. Elle est étrangère à ce monde qui l'entoure. Mais elle paraît, se disant que les fils et filles à papa comme elle la comprennent, que leurs ambitions sont les mêmes. C'est faux. Tout est faux. Elle a envie de crier, de hurler qui elle est, et ce même si elle ne le sait pas tout à fait.
Agata elle est gentille, attachante, réservée, pas coquette pour un sou même si on lui a appris à l'être, peu intéressée par l'argent, et serait prête à tout pour défendre les intérêts des autres. Ce qu'elle fait ? Défendre des gros poissons qu'elle sait coupable, mais dont l'argent prime sur la bonne foi et l'honnêteté. Quand elle se regarde dans la glace elle se déteste, se déteste d'être devenue cette personne. Pourtant elle sait qu'il aurait pu en être autrement, si elle ne ressentait pas ce besoin de plaire à tout prix, ce besoin qui la tiraille et l'empêche de devenir qui elle voudrait être.
Mais bien vite elle se reprend, ferme les yeux quelques secondes pour observer ce monde qui est le sien. Ses cheveux tirés en arrière et la jolie petite robe qui fera bonne impression, elle continue de serrer des mains, des mains qu'elle sait salies par l'argent. Elle essaie d'en faire abstraction, dans quelques heures la réception sera terminée et elle retournera à sa vie, sa vie trop impeccable pour donner illusion.