La pluie qui tombait dehors m'avait convaincue de trouver refuge à la bibliothèque du lycée. En voyant un ordinateur libre, je m'installai devant et l'allumai. J'avais un exposé de littérature à terminer, et même si j'étais assurée d'obtenir mon diplôme, je ne pouvais pas faire l'impasse sur ce devoir. Mme Peters comptait sur moi. Avant de me lancer dans des recherches supplémentaires, je relus attentivement les premières notes que j'avais prises sur le sujet et enregistré sur ma clé. Je corrigeai une faute de ma cinquième page quand on me tapota l'épaule. "Je n'ai rien fait!" Rétorquai-je timidement. Le garçon pouffa en prenant place à mes côtés. "Excuse-moi, je ne voulais pas te faire peur." Je lui souris avant de me replonger dans ma lecture. Mais il n'avait pas l'air de vouloir me laisser tranquille et se pencha pour étudier mon travail. J'avais envie de m'enfoncer sur ma chaise et de tourner l'écran. "Tu écris vraiment bien." Je le regardai en rougissant. "Merci." Dis-je, passant une main maladroite dans mes cheveux. Je faisais défiler le curseur et les pages du traitement de texte pour éviter de me ridiculiser davantage. "Pourquoi on ne t'a jamais vu aux soirées, cette année?" Prise au dépourvu, j'hésitai un instant. Et tant pis qu'il me trouve asociale, je ne le verrais plus l'année prochaine de toute façon. Je n'allais tout de même pas lui raconter un mensonge, il n'y avait même pas de raison. "Ce n'est pas trop mon truc." Il avait encore ce petit sourire en coin comme s'il se moquait de moi. C'en devenait presque frustrant. "Est-ce que tu me ferais l'honneur de m'accompagner à la dernière, après la remise? Rien ne me ferait plus plaisir, je t'assure." Je n'aimais pas les flatteurs, d'habitude. Leurs belles paroles m'effrayaient un peu. Si ça se trouve, c'était un piège. Il m'enverrait dans la mauvaise soirée, ou même confondrait volontairement la date ou l'heure. C'était un populaire, et les populaires aimaient bien faire ce genre de farces. Je le savais, un jour, ils avaient volé les affaires d'un Sophomore. "On ne se connait même pas." C'était quoi sa couleur préférée? "Tu t'appelles Lys. Moi, c'est Leo. Alors, tu veux bien être ma cavalière?" Je ne savais pas pourquoi il s'obstinait mais l'heure tournait et je n'avais aucune envie de manquer mon cours d'histoire. J'adorais cette matière. Alors je hochai la tête et il me dit qu'il passerait me prendre, le soir du gala, sur les coups de sept heures et demie. C'était n'importe quoi. Et puis, je n'avais pas de robe.
____________________Diana jetait un drôle de regard aux robes pendues dans mon armoire. "Tu ne peux pas y aller comme ça. Il faut que tu sois la reine ce soir." Je l'écoutais à moitié, angoissée à l'idée qu'il ne vienne pas, qu'il ait menti ou qu'il ait changé d'avis. Elle me fit un petit signe et me prit par la main pour me conduire chez elle. Elle avait une grande chambre, et un dressing immense. C'était loin de ressembler à ma chambre à moi, décorée encore comme celle d'une enfant, toute rose bonbon. Mes parents avaient mis beaucoup d'argent pour me l'offrir. Diana sortit de sa penderie une longue robe bleue. On aurait dit celle de Cendrillon. "Je ne peux pas la mettre, Di. Je vais l'abîmer, et puis." Mais elle me la prêtait déjà. "Tu vas danser avec le plus beau garçon du lycée." Elle ne l'avait jamais vu, juste mes joues rouges quand on parlait de lui. J'allais me changer dans la salle de bain mais convaincue qu'elle ne m'allait pas, je revins vers Diana la mine boudeuse. "Lys. Tu es époustouflante dans cette robe." Elle me fit asseoir face au miroir de sa coiffeuse et rehaussa mes cheveux d'un chignon élégant. Les autres élèves du lycée ne m'avaient vu qu'avec une queue de cheval pour les cours de sport. Et si je ne lui plaisais pas? [...] Il allait être bientôt huit heures. Assises sur les marches de mon escalier, Diana devait supporter ma crise d'angoisse. Elle essuyait chaque larme qui coulait, remettait une petite touche d'eye-liner et restait étonnamment confiante. Elle comptait et me disait qu'il arriverait quand elle en serait à dix. Il sonna à neuf. Mon coeur faisait des bonds dans ma poitrine et je me précipitai pour lui ouvrir. "Bonsoir, jolie fleur." Diana me pressa la main en me souhaitant une bonne soirée avant de reprendre le chemin de sa maison. Quant à moi, je restais muette. Je fixais ses yeux, la main encore sur la poignée, sa barbe mal rasée que je voulais effleurer, et le costume qui lui allait si bien. Il mit à mon bras le petit bracelet qu'un cavalier se devait d'offrir à sa cavalière et se pencha pour me faire un bisou sur la joue. "On y va?" Me demanda-t-il avant de prendre ma main pour m'emmener à sa voiture. Ce nouveau contact remplit ma tête d'images auxquelles je ne m'étais pas préparée. Il était l'homme avec qui je me voyais sans mal faire ma vie. Je sentais, je savais que c'était lui. C'était ça le coup de foudre, dis?