MATTIE, HANK.

Les jours passent et les faux-fuyants s'accumulent. Les sujets de discussion sont les mêmes, s'enclenchent en boucle, assommante cacophonie jouée sous l'orchestre d'un amour tari. Il s'accroche à elle, à cette alliance trop vite passée au doigt, à cette union écrasante. Le dépit fausse sa probité, domine sa raison et bouleverse ses décisions. Il tourne en rond dans cette pièce, rendue impersonnelle, invivable. Les heurts se taisent et s'évaporent avec lui. Il capitule, bat en retraite, quitte le navire. Otage de sa propre colère, elle balance, dénonce la couardise de son époux. Il l'entend, derrière la porte, elle s'égosille le temps d'une plainte à son encontre. Exacerbée, accablée, fatiguée, elle dépose les armes, ne le retient pas. Les lumières dansent autour de lui, la nuit signe son arrivée. Les traits paisibles d'une femme lui sourient. L'enchantement n'opère plus, pour elle, les espérances se sont envolées, depuis trop longtemps, depuis qu'elle offre ses nuits contre quelques billets. Hank aime mieux passer outre, vaciller jusqu'à cette porte, familière. L'enseigne l'appelle, il rentre. Il avance, se faufile entres les tables, ne fait preuve d'aucune délicatesse, bouscule. Son comportement entrecoupe les paroles d'un beau parleur. Celui-ci s'arrête dans sa minable prestation, demande à Hank de s'excuser. Il n'en fait rien, se fiche de lui, l'ignore et s'installe. Sa présence attire l'œil de Mattie. Serveuse et magicienne, elle fait de lui son cobaye, s'adonne à une passion qu'il termine toujours par regretter. Il espère, ce soir, y échapper mais se fourvoie. Elle le toise, cache une idée derrière la tête. Elle et ses tours de magie ratés. Opiniâtre, elle s'obstine, se défait du rationnel le temps d'un sortilège. Il esquisse un demi-sourire, détourne son regard d'elle, s'intéresse à la décoration, intemporelle. Ses jambes s'étirent sous la table. Elle lui apporte, assez rapidement, sa consommation habituelle, son rituel. « Merci. » Il s'accapare ce doux breuvage, symbole de frugalité. Il retarde son action, tient son verre de lait au bord de ses lèvres, qu'il dessoude pour en extirper son ressenti. « J'ai la déplaisante sensation que, ton visage aussi serein soit-il, ne reflète que le prélude de mon futur calvaire. » Se veut-elle d'une humeur finaude ? Il porte sur elle, un regard inquisiteur, soucieux, puis repose son verre, sans même y toucher. Croisant ses bras sur son torse, Hank se livre à quelques interrogations. « Expliques-moi juste, pourquoi, tu ne fais pas comme les autres serveuses — tu sais t'asseoir cinq minutes à une table, discuter, jouer à la féministe soixante-huitarde, raconter des anecdotes inintéressantes ? » Elle semble développer — pour cette discipline, un curieux et inexplicable engouement. Hank appréhende, lève les yeux, contemple le plafond imparfait et recentre son attention sur Mattie. « Seulement, toi, tu joues à l'apprentie sorcière. »